Sur les pas d'une romancière {Manderley for ever, Tatiana de Rosnay}

Ce livre n'était pas du tout sur ma liste, il a attiré mon attention totalement par hasard. Je crois quand même que j'avais entendu parler, ou lu quelque chose sur cette biographie de la romancière Daphné du Maurier par Tatiana du Rosnay.
J'avais découvert cette dernière avec "A l'encre russe" (qui abordait aussi le thème de l'écriture), qui m'avait beaucoup plu, et je savais que ce n'était qu'une question de temps avant que je me replonge à nouveau dans l'un de ses livres. C'est donc le deuxième, et ce ne sera pas le dernier!

Présentation

Titre: Manderley for ever
Auteure: Tatiana de Rosnay
Date de première parution: 2015
Mon exemplaire: Le livre de Poche, 522 pages (plus quelques annexes)

Si elle avait vécu à notre époque, j'imagine Daphné du Maurier en jeans, gros pull en laine, et baskets Converse toutes simples.



UN PARCOURS CREATIF

L'auteure franco-britannique a mené un véritable travail d'investigation pour écrire cette biographie de l'une de ses romancières favorites, qui porte elle aussi une double appartenance: anglaise de nationalité, française de coeur.

Au-delà de la vie de Daphné du Maurier, Tatiana de Rosnay s'emploie donc à retracer le processus créatif qui l'a menée d'oeuvre en oeuvre, comment sa vie l'a inspirée pour créer, et à l'inverse, comment son oeuvre peut être relue et comprise grâce à l'éclairage que porte sa vie. 
Cela m'a un peu rappelé le mémoire que j'avais rédigé pendant mes études, sur une poète américaine méconnue, Anne Sexton. J'ai d'ailleurs retrouvé de nombreux parallèles avec Daphné du Maurier, la nécessité impérieuse d'écrire, dont pâtit leur vie familiale, et leur culpabilité. C'est peut-être bien, sans doute, un point commun à toutes les femmes créatrices du XXème siècle.
Chez elle, la passion d'écrire était alliée au besoin de se sentir indépendante financièrement quoi qu'il arrive, il fallait donc produire, produire, produire, malgré tous les éléments extérieurs.

Le récit est très riche et bien documenté, mais il garde un aspect roman: bien qu'elle inclue quelques citations, Tatiana de Rosnay a choisi de ne pas citer toutes les sources sur lesquelles elle se base.


UNE FEMME HORS DU COMMUN

Je dois avouer que la seule chose que je connaissais de l'aristocrate anglaise, c'était son roman "Rebecca", que j'ai lu il y a longtemps, et qui, s'il m'a marquée, m'avait été présenté à l'époque comme une romance sentimentale... et j'ai découvert une auteure bien plus riche que ça, qui a lutté toute sa vie, en vain, contre l'étiquette romanesque mineure qu'on accolait à ses oeuvres!
Car non, ce ne sont pas des amourettes qu'elle écrivait, la plupart de ses livres sont très noirs, décrivent une atmosphère lourde et angoissante, jouent avec les thèmes de la dualité, la manipulation, l'identité...

Concernant sa vie, on peut dire qu'elle n'a jamais mené une vie ordinaire, elle est née dans une famille londonienne très privilégiée, fantasque et artiste, fière de ses racines aristocratiques françaises. Elle a donc eu une jeunesse choyée, et culturellement très riche à tous points de vue, ce qui lui a donné une assurance (bien qu'elle se considère comme timide) et une soif de liberté rares. Puis elle s'est installée en Cornouailles avec sa famille, où elle a pu donner libre cours à sa nature solitaire.
Malgré tout, comme dans toutes les familles, rien n'est jamais idyllique, les rapports sont parfois compliqués, et dans toute vie, il y a des renoncements, des déceptions et des instants plus sombres.

Crédit Photo: Bill McBee, Unsplash.


UN ANCRAGE GEOGRAPHIQUE

Le récit est chronologique, mais surtout géographique, pour rappeler l'attachement viscéral de Daphné aux différentes maisons qu'elle a habitées.

"Les gens et les objets disparaissent, pas les lieux." Daphné du Maurier


Au début de chaque partie, on suit brièvement Tatiana de Rosnay sur les traces de la romancière dans les différents lieux qu'elle a visités.
Le plus marquant est Menabilly, cette demeure vieille de plusieurs siècles, qu'elle réhabilitera et louera (faute de pouvoir l'acheter) pendant 25 ans. Perdu dans un parc luxuriant, il se trouve en Cornouailles, cette région dont elle est tombée amoureuse à 20 ans. Son amour pour cette bâtisse, et son refus de la quitter, aura des conséquences sur sa vie personnelle.
C'est elle qui inspire en partie le domaine et la maison de Menderley dans "Rebecca".



MENDERLEY FOR EVER

Je trouve ce titre particulièrement bien choisi, car Menderley, c'est Daphné du Maurier  !
Il évoque Menabilly, cette maison qui l'obsède, et qu'elle aura tant de mal à quitter. Mais c'est aussi une référence à Rebecca, ce roman best-seller qui lui vaudra la rancoeur des critiques pendant plusieurs dizaines d'année, que l'on persistera à classer parmi les romans de gare et romans sentimentaux. Bien qu'il l'ait propulsée sur le devant de la scène et lui ait garanti une aisance financière et une liberté bienvenus, elle en viendra presque à le détester. Le livre lui collera à la peau jusqu'au bout, on continuera à l'interroger encore et toujours sur celui-ci.




Note finale


J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre, c'est un vrai page-turner, on est plongé dans l'intimité et la vie de Daphné du Maurier, et cela tourne presque au récit d'aventures.
Il m'a donné envie de (re-)découvrir cette auteur, en commençant notamment par relire "Rebecca". En effet, j'ai découvert que la première traductrice française avait carrément tronqué des passages entiersJ'ai donc décidé de le relire en version originale. Et j'ai aussi ajouté "Ma cousine Rachel" à ma liste. D'autant qu'une adaptation de ce drenier va bientôt sortir au cinéma Mais je ne me sens pas encore prête pour ses nouvelles et romans les plus morbides et noirs...
J'ai tout de même enlevé une petite branche (4 sur 5), car je suis un peu restée sur ma faim... j'en aurais voulu plus! Plus d'extraits de lettres, de son journal, de la biographie de sa soeur, des témoignages... Tout ce que Tatiana du Rosnay a utilisé pour écrire ce roman. J'ai bien conscience que ce n'était pas possible, mais elle a vraiment aiguillé ma curiosité :)


Et vous, est-ce que vous connaissiez cette romancière?
Est-ce que vous auriez envie d'en découvrir davantage sur cette femme au caractère bien trempé?


2 commentaires

  1. je l'ai beaucoup aimé moi aussi ... mais je n'ai toujours pas lu Rebecca !

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    1. Tout d'abord, désolée pour mon retard, j'ai vraiment délaissé cet espace...
      Il vaut le cou :) Mais j'ai fait un peu comme toi: cette biographie m'a donné envie de lire Rachel, et pourtant, je n'ai dû en lire que trois ages cet été...
      Merci pour ton passage ici en tous cas!

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